From the mess to the masses
Normalement je me fais livrer mon dîner dans ma chambre tous les soirs par un jeune garçon qui vient en bicyclette m’apporter le riz (tchaaval en hindi), les légumes épicés (subji), quelques galettes de blé (tchipati) et des fruits. Depuis quelques jours mes soirées sont beaucoup plus vivantes. Désormais j’ai un nouveau rituel : je vais manger à la cantine de l’université.
Au moment de prendre le rickshaw, c’est toujours drôle de se retrouver coincé avec d’autres gens sous la bâche du petit engin très bruyant et de les voir me dévisager. Puis je marche dans les allées vides du campus pour rejoindre la cantine (the mess). C’est dans ce lieu que se joue tous les soirs le même petit jeu de regards. En clair, les professeurs ont une table réservée dans un coin de la grande salle qui accueille toutes les étudiantes qui vivent en internat, et elles sont plus de 400, leurs familles habitant parfois à une centaine de kilomètres de Jalandhar. Et immanquablement lorsque j’arrive c’est une impressionnante collection de paires d’yeux qui m’accueille. J’ai souvent beaucoup de mal à garder pour moi un énorme sourire nerveux. Ce qui n’arrange pas mes affaires, le moindre de mes gestes étant scruté. Elles se sont bien rendues compte que j’étais jeune, que je viens d’un pays lointain et je suis donc une curiosité. Moi je trouve toujours drôle de les voir avec leur bonnet, leur écharpe, leur pyjama et leur châle. Il faut dire qu’il fait assez froid dès la nuit tombe.
Et donc je me met à table avec les trois wardens, qui sont trois femmes d’un certain âge toujours adorables avec moi et très sévères avec les jeunes filles qu’elles surveillent. Elles parlent avec un anglais assez limité mais ça ne m’empêche pas de passer de bons moments. L’autre soir une des étudiantes est venue avec son assiette se plaindre d’un insecte tombé dans sa sauce. Mais ça n’a pas entamé l’entrain avec lequel je plonge ma galette de blé dans le dahl (sauce aux lentilles). L’une des warden a sorti la mouche avec sa cuiller et je me suis mis à plaisanter : “Oh now it’s non-vegetarian“. Ca ne fait pas rire grand monde car cette cantine ne sert que de la nourriture végétarienne et l’idée de manger un animal ou même un œuf est vraiment grave.
Et c’est donc un soir où j’étais à table occupé à observer tout ce monde qui s’agite que l’une des wardens m’a expliqué que l’université organisait un voyage de groupe à Amritsar pour visiter le Golden Temple. Passer deux heures dans un bus avec soixante jeunes filles qui me dévisagent risque d’être assez drôle. Mais c’est surtout la visite du temple un dimanche qui s’annonce être une sacrée expérience. Ce jour-là le lieu est noir de monde. Bref je vais pouvoir jouer à observer la foule et me faufiler au milieu de ces milliers d’Indiens. Agoraphobes s’abstenir !
PS : J’emprunte le titre de ce post à une chanson de Phoenix, Lisztomania.
December 9th, 2009